JOURNÉE D’ÉTUDES FAIRE AVEC -18/04/24

JOURNÉE D'ÉTUDES - FAIRE AVEC

18 avril 2024 

Dans le cadre de cette journée d’études, l’ESADHaR accueille Anna Colin (curatrice, éducatrice, chercheuse et jardinière / intervention en ligne), Jérôme Dupeyrat (critique d'art et éditeur), Sylvain Gouraud (artiste), Marianne Mispelaëre (artiste), le collectif microsillons (artistes et responsable du Master TRANS– Pratiques artistiques socialement engagées, à la HEAD – Genève) et la participation d'Alice Feuillère, Emma Maignan et Shenxi Song (étudiantes à l'ESADHaR). Conception et modération : Virginie Bobin (curatrice en résidence à l'ESADHaR). Les intervenant.es aborderont donc donc la thématique des pratiques artistiques socialement engagées : outils, lieux et transmissions.

Marianne Mispelaëre

Forum (2023)

Performances relationnelles (rencontres), dispositif de parole en cuivre et bois, installation murales in situ, diptyque photographique, film « Treize année en présence » (33:46)

Projet polymorphe réalisé dans le cadre du 1% artistique au collège du Ban, Vagney (Vosges)

© Photo : Marianne Mispelaëre / © ADAGP, Paris 

 

Cette journée d'études du 18 avril s'inscrit dans le cadre de la résidence de recherche curatoriale de Virginie Bobin à l'ESADHaR de Rouen, nouveau dispositif initié par l’ESADHaR en partenariat avec la Ville de Rouen et le Centre culturel André Malraux, dont l'objectif est de tisser des passerelles entre l'école d'art et le quartier de la Grand'Mare où elle est située, ses habitant·es et ses nombreux acteurs culturels et associatifs. Intitulée « Faire avec », la résidence de Virginie Bobin prend pour guides les mots de la philosophe d'Isabelle Stengers, qui appelle à « faire avec, ou faire grâce aux autres, et au risque des autres » afin de recréer collectivement des mondes désirables fondés sur le soin, la rencontre et l'attention aux autres.

 

Les pratiques artistiques socialement engagées se caractérisent par la création de situations de rencontre et de travail avec différent.es protagonistes souvent éloigné.es du champ de l'art, et par la prise en compte de problématiques sociales et politiques qui forment à la fois le cadre et l'objet du travail en commun. Pour l'artiste, il s'agit alors moins de produire une œuvre facilement reconnaissable que d'inventer des manières sans cesse renouvelées de « faire avec » — des personnes, des milieux, des institutions, des relations. 

Malgré la parution récente de plusieurs ouvrages en français[1], l'organisation d'expositions[2] et de colloques, les pratiques artistiques socialement engagées restent encore peu discutées, voire dévalorisées, dans l'écosystème de l'art contemporain en France et plus spécifiquement au sein des écoles d'art. Comme elles produisent rarement des formes aisément exposables, collectionnables ou « évaluables », elles sont encore parfois assimilées, avec un certain mépris, à de « l'action culturelle » ou de l'animation. Pourtant ces pratiques s'institutionnalisent, en partie pour répondre aux demandes de plus en plus pressantes des tutelles politiques qui conditionnent certains de leurs financements à l'intervention d'artistes dans des espaces sociaux divers (écoles, hôpitaux, prisons, quartiers, etc).

Enfin, de plus en plus d'artistes voient dans ce type de pratiques un moyen d'intervenir activement dans la société et les crises (sociale, écologique, économique, politique, sanitaire...) qu'elle traverse ; et de porter à travers l'art un engagement politique tourné vers la création d'espaces et de situations de rencontres, de collaboration, de partage des savoirs, de résistance et de soin, parfois en dehors des espaces institués de l'art. Ce faisant, iels sont amené.es à réinventer les modalités de production, de financement, de diffusion et de transmission traditionnelles de l'art, dans un contexte de fragilité économique, proposant ainsi de nouveaux modèles de création artistique à la croisée des disciplines et des milieux. 

À ce titre, il nous paraît crucial de réfléchir à des manières de transmettre, enseigner et mettre en valeur de telles pratiques artistiques dans le cadre d'une école d'art, au prisme des défis pédagogiques, artistiques et politiques auxquels celles-ci doivent aujourd'hui faire face — parmi lesquels l'exigence de « professionnalisation » des jeunes artistes ou le développement des programmes de recherche en art.

En effet, ces pratiques proposent un modèle alternatif du rôle et de la figure de l'artiste, y compris de l'artiste-chercheur.euse, non plus centré.e sur sa démarche individuelle et les sytèmes de valorisation traditionnels de celle-ci (expositions, représentation par des galeries, publications), mais tourné.e vers l'agencement de collectifs en réponse à des situations sociales particulières — qu'on pourrait nommer, d'après John Dewey, des « problèmes publics » — sur lesquelles il s'agit d'intervenir ensemble. L'artiste se charge alors de faciliter différentes modalités de participation, chacune porteuse de problématiques spécifiques, qui voient l'ensemble des parties prenantes contribuer, de manières diverses, à co-construire des savoirs et des méthodes et, le cas échéant, à co-produire des œuvres — quand celles-ci ne sont pas la matière de la rencontre elle-même. 

Cette journée d'études rassemble ainsi artistes, chercheur.euses et curateur.ices qui mettent les pratiques artistiques socialement engagées au cœur de leur travail, tout en réfléchissant à des dispositifs pour enseigner, diffuser et transmettre ces pratiques au sein des écoles d'art, des universités, des institutions artistiques mais aussi en dehors. Il s'agit ainsi de penser et mettre en actes des manières « incertaines » (selon les mots du collectif microsillons), poreuses et mouvementées de faire de l'art et de faire école, avec une multitude de protagonistes. 

[1]    On peut citer  par exemple L'art en commun, réinventer les formes du collectif en contexte démocratique d'Estelle Zhong Mengal (Les presses du réel, 2018), Co-création, sous la direction de Céline Poulin, Marie Preston et Stéphanie Airaud (Empire / CAC Brétigny, 2019), ou encore Motifs incertains - Enseigner et apprendre les pratiques artistiques socialement engagées, édité par le collectif microsillons (HEAD / Les presses du réel, 2019).

[2]    En 2023, on peut citer Quotidiens Communs sous le commissariat de Thomas Conchou à la Ferme du Buisson, qui rassemblait des projets soutenus par le dispositif Nouveaux Commanditaires, ou encore Chaleur Humaine, seconde édition de la Triennale Art & Industrie de Dunkerque sous le co-commissariat d'Anna Colin et Camille Richert, qui présentait plusieurs projets artistiques socialement engagés. 

 

BIOGRAPHIE DES PARTICIPANT.ES

Anna Colin

Anna Colin est curatrice indépendante, éducatrice, chercheuse et jardinière dans l’East Kent en Grande Bretagne. Entre autres terrains d’investigations, Anna est engagée vers la pratique sociale, la pédagogie critique, les modèles institutionnels alternatifs et le paysagisme critique et participatif. Anna a co-fondé et dirigé Open School East, une école d’art indépendante et un espace communautaire, Londres/Margate (2013-20). Elle a été curatrice associée à Lafayette Anticipations, Paris (2014-20), directrice associée à Bétonsalon – Centre d’art et de recherche, Paris (2011-12) et curatrice à Gasworks, Londres (2007-10). Anna enseigne dans le Master Curating à Goldsmiths, University of London et a écrit une thèse sur les espaces pédagogiques et culturels dits multi-publics en Angleterre depuis la fin du 19e siècle, à l’université de Nottingham, dans le département de géographie (2022). Elle est co-curatrice, avec Camille Richert, de Chaleur humaine, la seconde édition de la Triennale Art & Industrie de Dunkerque, présentée en 2023 au Frac Grand Large – Hauts-de-France et au Musée du LAAC, ainsi que dans l’espace public. Depuis 2021, Anna se forme à l’horticulture et à la permaculture ; elle a co-conçu et s’occupe de plusieurs jardins collectifs dans le Kent et au-delà. 

annacolin.co.uk

 

Jérôme Dupeyrat

Jérôme Dupeyrat (www.jrmdprt.net) travaille à la fois dans le champ de la recherche et de la création. Ses travaux sont guidés par un intérêt pour l’histoire du livre et de la lecture, la circulation des images, la pédagogie et les enjeux socio-politiques. En tant qu’historien et critique d’art, ses activités incluent l’écriture, l’enseignement (à l’isdaT - institut supérieur des arts et du design de Toulouse), le commissariat d’exposition et l'édition. Avec Julie Martin, il a cofondé l'espace artistique Trois‿a à Toulouse (www.trois-a.net) ainsi que les éditions Lorelei et la collection "Frictions", dédiée aux liens entre art et politique (www.editionslorelei.net). En décembre 2023, il a publié au sein de cette collection un ouvrage intitulé En grève, art et conflit social. Ses autres travaux les plus récents, dans des revues, des ouvrages collectifs ou au travers de communications orales, concernant notamment Adrian Piper, les liens entre Fluxus et la pédagogie Freinet, les pratiques de lecture collective dans le champ de l'art, ou encore l'iconologie politique dans le cadre d'une série de recherches menées avec Ariane Bosshard, Olivier Huz et Julie Martin.

Depuis 2015, il poursuit également avec Laurent Sfar le projet artistique La Bibliothèque grise (www.labibliothequegrise.net). 

 

Sylvain Gouraud

Sylvain Gouraud est un artiste visuel né en 1979 et basé à Aouste-sur-Sye dans la Drôme. Il s’immerge dans des milieux aux enjeux sociaux délicats dans lesquels la question de la représentation joue un rôle prépondérant. Après avoir travaillé en prison ou avec les patients d’hôpitaux psychiatriques, il se concentre depuis une dizaine d’années sur les enjeux de description de notre rapport à la nature par le prisme des pratiques agricoles.  Sa démarche d’enquête se rapproche d’un travail d’anthropologie nourrit par sa participation en 2010 au master SPEAP monté par Bruno Latour à Sciences Po la même année. Son travail prend la forme de livres, de rencontres et d’expositions associant photographie, son et vidéo. Il se déploie dans les musées et centres d’art, ZKM de Karlsruhe, musée de la Chasse et de la Nature, Frac Alsace, Frac Occitanie.  Depuis quelques années il construit une forme hybride associant image et performance afin de rendre son travail visible dans les milieux ruraux moins bien dotés en infrastructures culturelles, à Coät-Mael en Bretagne, lors du festival Humus à Chateldon dans l’Allier ou à Majastres dans les Alpes-de-Haute-Provence.  Il fait partie des lauréats de la bourse des Ateliers Medicis/CNAP les regards du grand Paris avec son projet Un ensemble et a produit un film court intitulé d’ici, de là, grâce au soutien du programme hors les murs du Centre Pompidou.  Il est actuellement résident à la Cité Internationale des arts dans le cadre du programme INSITU sous le patronage de la commissaire d’expositions Maria Ines Rodriguez.

sylvaingouraud.com

 

Microsillons

Le collectif microsillons, créé en 2005 à Genève par Marianne Guarino-Huet et Olivier Desvoignes, développe des projets artistiques collaboratifs engagés dans une réflexion sociale et citoyenne, à partir de stratégies empruntées aux pédagogies critiques et féministes. Le collectif a collaboré avec de nombreuses institutions culturelles. Depuis 2015, microsillons est responsable du Master TRANS– Pratiques artistiques socialement engagées, à la HEAD – Genève. microsillons a participé à plusieurs projets de recherche soutenus par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, fait partie du réseau international de recherche Another Roadmap School et a publié Motifs incertains. Enseigner et apprendre les pratiques artistiques socialement engagées (Les presses du réel, 2019). microsillons est lauréat d’un Swiss Art Award (2008) (finaliste de l’édition annulée de 2020). Marianne Guarino-Huet et Olivier Desvoignes, ont obtenu des doctorats du Chelsea College of Arts (UAL). 

www.microsillons.org

 

Marianne Mispelaëre

Diplômée de l’ESAL d’Épinal depuis 2009 et de la HEAR de Strasbourg depuis 2012, Marianne Mispelaëre travaille et expose en France et à l’étranger, au Palais de Tokyo (Paris), au NAK (Aix-la-Chapelle, DE), à la galerie Salle Principale (Paris), à l’iselp (Bruxelles, BE), à la Fondation Art Encounters (Timisoara, RO). Avec pour principal champ d’action le dessin, elle produit et reproduit des gestes simples, précis, éphémères, inspirés de phénomènes actuels et sociétaux. Que se passe-t-il entre nous, en nous, tout au long de l’infinie tâche politique qu’est le côtoiement ? Sa matière première relève de zones de contact : rencontres, échanges, transmissions, collaborations, emprunts, négociations, affrontements. Elle écoute et observe les relations sociales, le langage — ce qu'il fait sur ses usagers et usagères, ce que celleux-ci lui font. Elle étudie ses transformations et sa structure pour repenser ses formes conventionnelles. Elle déplace et fait se rencontrer des corps, des langues, des signes, des représentations visuelles (images), façons de dire, de raconter et de penser notre environnement proche ou lointain. Elle a réalisé deux commandes dans le cadre du 1% artistique : à Vagney (Vosges, 2023), et à Saint-Renan (Finistère, 2020-21). En 2020-22, le dispositif Nouveaux commanditaires lui permet de mener une recherche collaborative à Marseille, « Les langues comme objets migrateurs ».

www.mariannemispelaere.com