Exposition en vitrine / BIOGRAPHIQUE

  • 15 janvier au 08 mars 2021
  • Vitrine de l'artothèque ESADHaR
    74-76 rue Paul Doumer / 76600 Le Havre

Bio/graphique est le fruit de la collaboration entre l’option Art Médias Environnement de l’ESADHaR et les Jardins Suspendus du Havre. Les artistes présentés à Bio/graphique interrogent notre rapport à la nature comme occasion de réenchanter le monde.

En raison de la crise sanitaire du Covid-19, cette exposition ne sera visible qu'en vitrine depuis l'extérieur.

Avec : Alice Baude, Agathe Cabanne, Simon Desloges, Émilie Gaid, Arthur Gosse et Baptiste Leroux

Commissariat : Maxence Alcalde, Helen Evans & Heiko Hansen (HeHe).

Dès l’antiquité, les philosophes se méfient de la capacité des artistes à imiter la nature. Pour illustrer ce danger, Pline l’Ancien narre l’histoire des raisins de Zeuxis où un peintre parvient à ce point d’imitation de la nature que des oiseaux tentent de picorer des raisins peints sur une fresque. Bien avant Pline, Platon se méfiait déjà des œuvres produisant ce qu’il considérait comme étant des simulacres. Ainsi, pour lui les artistes seront désignés comme des facteurs de fausseté, de dangereux énergumènes brouillant les cartes du réel et parasitant le projet philosophie socratique de la quête de la vérité. C’est en ce sens que Platon préconise, dans La République, de bannir les artistes de sa cité idéale.

Bien plus tard, les botanistes et explorateurs des XVIIe et XVIIIe siècles n’ont eu de cesse de dessiner les plantes, cette fois dans le but de dresser un inventaire visuel et scientifique du vivant. Dès lors, la méfiance première de Platon semble levée tant l’apport à la connaissance du monde de ces graphomanes est capitale pour le progrès de la science. À la même période, le philosophe René Descartes écrit que le destin de l’homme est de se rendre « comme maître et possesseur de la nature » (Discours de la Méthode, 1637). Souvent comprisse comme un blanc-seing offert aux ambitions technicistes de la modernité, cette phrase est en réalité à la fois un programme intellectuel mais aussi une critique de ce même programme qui se cristallise dans le « comme ». Ainsi, si on veut réellement comprendre Descartes, il ne s’agit pas tant de dompter cette nature que de la comprendre, c’est-à-dire de l’étudier, de la questionner pour faire progresser la connaissance à son sujet, sans pour autant y inscrire la marque de l’homme. Ce projet est évidemment bien différent du rapport de domination sur la nature qu’a pu promouvoir une certaine modernité techniciste. Depuis lors, la rationalisation de la nature s’est intensifiée avec l’exploitation réglée des forêts ou la « rationalisation » des parcelles agricoles, jusqu’à une agronomie faisant la part belle à la chimie (engrais, pesticides, etc.) et aux manipulations génétiques si justement aujourd’hui critiquées. Mais alors, quels rapports pouvons nous entretenir aujourd’hui avec le monde végétal ? Pouvons-nous nous extraire du régime de domination face à la nature pour envisager une attitude de co-création respectueuse ? C’est ce rapport de curiosité et de respect qu’explorent à leur tours les artistes présentés dans Bio/graphique.

 

ALICE BAUDE
Infusion I (série), 2020.
Broderie, tisane, poèmes, sucre, service à tisane.
Le travail d’Alice Baude s’articule autour de la poésie qu’elle met en scène au sein de performances envisagées comme des instants de partage avec un public autour d’un lieu. Avec Infusion I, elle propose aux spectateurs de déguster une tisane composée de plantes cueillies dans les Pyrénées Orientales où il est coutume de récolter un bouquet de la Saint Jean (immortelles, orpin, millepertuis, feuilles de noyer). La performance se réfère aux paysages traversés par l’artiste, mais également aux rituels de sorcelleries associés à l’absorption de potions concoctées à bases de plantes. Les morceaux de sucre distribués lors de cette cérémonie sont emballés dans des papiers contenant des poèmes comme autant d’occasions d’initier des moments oniriques se prolongeant au-delà de la performance.
Alice Baude est diplômée de l’ESADHaR en Création Littéraire, ainsi qu’en Art Médias Environnement en 2020.
https://alicebaude.wixsite.com/aubadeciel

 

AGATHE CABANNE
Le Bureau des plantes, 2020.
Matériaux mixtes.
Savez-vous que les plantes ont des choses à nous dire ? Si cette assertion paraît pour le moins farfelue, ça n’est pas l’avis d’Agathe Cabanne. Avec Le Bureau des plantes, l’artiste met en scène une plante bavarde semblant tout droit échappée d’un conte fantastique. Comme l’Alice de Lewis Carroll, il faudra s’arrêter quelques instants et tendre l’oreille pour recueillir de surprenantes confidences végétales.
Agathe Cabanne (Rouen, 1996) est étudiante en 5e année à l’ESADHaR en option Art Médias Environnement.

 

SIMON DESLOGES
Capital, 2020.
Plantes (lin, chanvre, orties, coton), attaché-case, terre.
Les pièces de Simon Desloges procèdent généralement de jeux de mots et d’expérimentations de son environnement. Avec Capital (2020), il compose un jardin miniature regroupant des espèces végétales nécessaire à la fabrication du papier des billets de banque (lin, chanvre, orties, coton). Faux monnayeur en herbe ou golden boy horticole, l’artiste relativise le fétichisme de l’argent pour s’arrêter sur son origine végétale tout en organisant une promenade dans son attaché-case magnifié en jardin de poche. Mais l’ironie n’est jamais loin, car à l’heure où la monnaie est largement dématérialisée, Simon Desloges choisit de se situer à l’autre bout de la chaîne, au moment primitif de la cueillette qu’on espère lucrative.
Simon Desloges (Caen, 1992) est diplômé en 2020 de l’ESADHaR option Art Médias Environnement.
@simon.desloges

 

EMILIE GAID
Patatéorite, 2020.
Pommes de terre, fil.
Le travail d’Émilie Gaid s’articule autour des notions du vivant, à travers lesquelles elle interroge l’aléatoire et les temporalités singulières nées de l’observation de matériaux organiques (plantes, moisissures, etc.) sans cesse en mouvement. Avec Patatéorite, l’artiste se laisse guider par la forme de la pomme de terre. Ainsi, Émilie Gaid confectionne une boule composée d’un maillage de pommes de terre formant un astre étrange et protéiforme dont l’état ne cessera pas de muter au fil de l’exposition. Bien plus qu’un simple amas de tubercules, Patatéorite est une méditation sur l’environnement qui l’accueille et sur l’étrangeté du vivant.
Cahierbe, 2020.
Rouleau de gazon, graînes, lampe à sodium, vapeur d’eau.
Les analogies entre les différents sens du terme culture sont pléthore chez Émilie Gaid. Avec Cahierbe, elle met en scène un livre composé de gazon dans lequel sont insérées des graines. Tension entre fragilité d’un matériau vivant nécessitant de l’eau pour vivre et pérennité de la forme livresque craignant l’humidité ; l’artiste offre des pages étranges où les textures jamais figées apparaissent sous les doigt du spectateur. Comme pour la plupart de ses projets, Émilie Gaid explore les vies potentielles de l’organique sans préjuger des différentes formes qu’adopteront ces pièces en fonction de l’environnement dans lequel elles sont présentées. Évolution, altération, dislocation, germination… apparaissent sous un curieux régime d’équivalences mobilisant les sens et l’expérience de chacun.
Émilie Gaid (Fontenay-aux-Roses, 1994) est étudiante en 5e année à l’ESADHaR en option Art Médias Environnement.
@emiegaid

 

ARTHUR GOSSE
Trans-fusion, 2020.
Physarum polycéphalum, matériel médical.
Cela fait quelques années qu’Arthur Gosse est fasciné par les « blobs », ces micro-organismes qui semblent tout droit sortis d’un récit de science-fiction et qui se développent en rhizomes. Avec Trans-fusion, il propose de reconstituer un biotope de physarum polycéphalum de la manière la plus rudimentaire qui soit : une cloche sous laquelle se développe un blob uniquement alimenté par une perfusion de liquide nutritif. C’est donc au sein de ce milieu que se développe ce myxomycète formant une sorte de paysage poétique en perpétuelle expansion. Rappelant à la fois l’univers médical et celui du laboratoire, Tran-fusion explore la fragilité d’un monde fini dont la survie ne dépend que d’un fin tuyau dont la vulnérabilité est criante.
Arthur Gosse est étudiant en 5e année à l’ESADHaR en option Art Médias Environnement.

 

BAPTISTE LEROUX
Pavillon [rework], 2020.
Matériaux mixtes, dimensions variables.
Le travail de Baptiste Leroux s’axe autour des questions du récit et des formes étranges qu’il produit. Largement inspiré par la science-fiction (films, romans, bande dessinée), il interroge notre perception de la réalité aux moyens d’installations convoquant les formes technologiques et l’imaginaire qui leur est lié tout en mobilisant l’interaction avec les spectateurs. Pavillon est l’adaptation à l’espace de la galerie d’un dispositif initialement exposé dans la serre de Macaronésie, aux Jardins suspendus du Havre (2019). Dans sa première version, Pavillon était planté à même le sol et diffusait des ambiances sonores « éléctronico-météorologiques » d’après les véritables informations météorologiques des Îles Canaries donnant des informations aux plantes sur leur milieu d’origine en temps réel. Avec la version rework qu’il propose pour Bio/graphique , ce dispositif est rejoué dans l’environnement aseptisé du white cube, évoquant l’enquête scientifique de terrain et sa transposition dans le laboratoire. Ici, le spectateur devient acteur du programme, il manipule les variables météorologiques et en découvre l’écho sonore.
Baptiste Leroux (Paris, 1995) est diplômé en 2020 de l’ESADHaR option Art Médias Environnement.
https://baptiste-leroux.com